lundi 15 août 2016

Taxidermie

  • Cinéma, de György Pálfi, 2006, 1h31, France/Hongrie/Autriche

·         Pourquoi ça crame les oiseaux?

Je commence fort pour ma première critique : un film très bizarre, trois fables absurdes, pathétiques et grandioses à la fois. Du sexe glauque, beaucoup de bouffe, de la chair humaine découpée en gros plan, un film à la fois mignon et répugnant.

·         L´histoire

Le film se compose de trois parties, chacune exposant la vie d'un homme, une génération après l'autre : le grand-père, le père, le fils. Le premier, soldat un peu “idiot du village”, évolue dans un endroit difficile à identifier, sorte de ferme sale et enneigée au milieu de nul part. “Bon à tout faire” pour la famille qui habite les lieux, il est obsédé par le sexe et les images nous montrent sans ménagement sa manière de fantasmer sur tout ce qui bouge (ou pas), et de trouver des moyens tordus mais créatifs de satisfaire ses envies.

D'une de ses “aventures” naît le père, être énorme et ridicule qui gagne sa vie en participant à des concours de bouffe. Amour et vomissures se mélangent, sous la pression de la compétition de haut niveau dans un communisme exigeant et fier de ses champions.

Enfin le fils, dont l'activité donne son nom à l’œuvre entière, empaille des animaux, donc. Il supporte aussi son père dont il a la charge, et qui n'est plus qu'un tas de chair énorme et râleur, cohabitant avec d'horribles chats auxquels il a transmis son amour pour la grande boustifaille. Empailler des animaux a ses limites, et voulant expérimenter jusqu'au bout autour de son rapport compliqué au corps, notre héro connaîtra le succès suite à ses étonnantes manipulations du corps humain.

·         Ce n'est que mon avis

Le film, c'est sûr, ne peut pas plaire à tout le monde, malgré qu'il ait reçu finalement d'assez bonnes critiques dans la presse. Si j'ai parfois raconté l'histoire et quelques détails dégueulasses que je vous laisse découvrir à des proches, ils ont surtout manifesté leur envie de ne pas le voir, voire leur interrogation face à son existence même (cela dit, chers lecteurs, c'est souvent le cas avec ce qui crame trop les oiseaux, c'est pourquoi je compte sur vous pour me faire des retours et pourquoi pas manifester votre enthousiasme!). 

C'est moche, insistant sur les détails les plus sordides, sans réellement avoir de fil conducteur ou de “morale”. Mais pour cela même, on peut y voir une œuvre d'art très contemporaine vraiment aboutie.




D'abord, la réalisation bien que classique est réussie, les images sont belles dans leur style et léchées (sans mauvais jeu de mot...), avec des plans souvent étonnants, et des décors et costumes travaillés. Le rythme n'étant pas très soutenu, l’intérêt se trouve aussi dans le coté contemplatif. Ensuite, les personnages ont malgré leurs aspects repoussants un coté attachant et très humain. Leur sensibilité (voir l'histoire d'amour du père), le coté inexorable de leurs situations, fait qu'on peut aussi s'y attacher, presque les comprendre, malgré le burlesque de l'ensemble. On assiste ainsi à une moquerie intelligente de l'être humain, étrangement trash et tendre, qui a la subtilité de laisser le spectateur faire ses propres interprétations sans le tenir par la main par une histoire trop évidente ou des conclusions toutes faites.

Un film déroutant que je conseille à tous les spectateurs qui aiment découvrir un cinéma vraiment atypique et ont le cœur bien accroché!
Et vous, avez-vous vu le film? Avez-vous été satisfaits par la fin? Ou est-ce que vous en avez envie? Si vous connaissez d'autres perles dans ce genre en tout cas je suis preneuse! 

dimanche 14 août 2016

Histoire de la violence

  • Roman, de Édouard Louis, 2016, Français


  •          Pourquoi ça crame les oiseaux?


Histoire supposément vécue d'une tentative de meurtre et viol, du point de vue de la victime. Ce que cette agression révèle ou bouleverse dans sa vision de lui-même et de son identité.

  •          L´histoire


Une nuit de réveillon de Noël, un jeune homme : Édouard (l'auteur), rentre chez lui à pieds. Il est abordé par Reda, jeune Kabyle très beau qui lui fait du charme. Édouard est pris au jeu et le fait monter chez lui, où ils font l'amour et discutent longuement de sujets intimes : Reda raconte notamment le parcours de son père venu d'Algérie, et ayant fait un séjour difficile dans un foyer de jeunes travailleurs. Ils passent du bon temps jusqu'au moment où tout bascule : Édouard surprend Reda avec sa tablette neuve en poche et son téléphone a disparu. Il lui demande de le lui rendre et Reda, pris au dépourvu, s'énerve, l'insulte, et dans une escalade de violence le menace avec un revolver, l'étrangle violemment, et oscillant entre tendresse et accès de colère furieuse, le viole. Puis Édouard réussit à fuir sur le palier et menace de crier, ce qui parvient à faire fuir Reda.

Le livre raconte en détails la nuit en question, mais aussi les heures et jours qui ont suivi. D'après Édouard Louis : “il n’y a pas une seule ligne de fiction” : tout s'est réellement passé, la violence de Reda, les prénoms de ses amis avec qui il réveillonne sont réels, ainsi que les échanges avec les policiers.

Le narrateur est parfois l'auteur à la première personne et parfois sa sœur, personnage littéraire (je n'ai pas encore compris en cherchant sur internet si elle, par contre, était réelle ou non, il semblerait que non) parlant un français populaire et peu correct, et donnant son avis sur les événements alors qu'elle les raconte à son mari. Par ce procédé, Édouard se questionne aussi sur ses origines et sa personnalité : sa fierté d'être devenu un intellectuel parisien alors qu'il vient d'un village où beaucoup de gens sont racistes, homophobes ou peu éduqués. Il raconte les vols qu'ils a commis dans sa jeunesse (et lui permettent de “comprendre” ceux de Reda), sa volonté de s'éloigner de ce racisme malgré sa peur nouvelle des hommes maghrébins, et comment cette volonté l'amène à presque “pardonner” son agresseur.

  •          Ce n'est que mon avis


On peut dire que j'ai commencé Histoire de la violence sur un malentendu : je l'avais plus ou moins confondu avec “L'origine de la violence”, roman dans lequel, apparemment, l'auteur questionne ce qui amène les hommes à la violence. J'ai donc attendu cette question en vain une bonne partie du livre...

J'avais de plus un à priori plutôt négatif, ayant lu une critique de blog littéraire dans laquelle on disait que le parler “populaire” et incorrect de la sœur, opposé à la langue littéraire et plus riche du narrateur, donnait un coté condescendant.

Et en fait, c'est un peu vrai : ma première impression, qui est restée une bonne partie de la lecture, est celle d'un style d'écriture d'intellectuel qui se regarde écrire, qui ne parle que de lui même, donne des avis et se justifie de les donner. Le genre de livre dans lequel on sent trop l'auteur derrière le récit, son envie d'expliquer, de bien faire. Dans ce cas, le livre en a non seulement le style mais aussi le propos : il est en très grande partie question du « statut » de l'auteur, de sa honte de venir d'une classe populaire peu éduquée, et de la honte d'avoir cette honte. On oscille donc souvent entre mépris politiquement correct et auto-justification.

Finalement, c'est peut être là que se trouve un intérêt du livre : le mea culpa d'un jeune écrivain (23 ans) qui assume avec honnêteté et un peu de naïveté son rejet de ses origines. C'est comme cette focalisation sur l'origine kabyle de l'agresseur : Est-ce que, en essayant de le comprendre, l'auteur transmet une idée de racisme ou comme il le voudrait plutôt, l'inverse du racisme? Il est intéressant de voir que selon les critiques les interprétations ont pu être diamétralement opposées.

Il est amusant d'observer la petite polémique suscitée par le roman dans les milieux littéraires, entre ceux qui aiment et ceux qui détestent, et surtout le rebondissement quelques jours après la sortie du livre : le Reda en question, arrêté pour une autre raison et reconnu des services de police, s'est manifesté en portant plainte pour « atteinte à la présomption d’innocence » et « atteinte à la vie privée » , expliquant que rien n'était vrai dans le roman. (finalement il n'a pas eu gain de cause au procès, son procès pour l'agression reste à venir).

Le fait que l'histoire puisse ne pas être vrai rend toute l'affaire plus intéressante. Cela permet de nouvelles questions sur les intentions d'un auteur et le rôle de l'écriture, cet auteur là étant passionné de sociologie et s’intéressant aux effets des structures sociales sur la violence. Est-ce que je conseillerais ce livre? Pas vraiment. On peut être intéressé par sa lecture, si on décide de le voir comme une confession intime d'un jeune homme qui, par son honnêteté et son courage à raconter un épisode très dur de sa vie, et sa capacité à s'autoquestionner, se rend presque sympathique, et fait presque oublier le coté pédant et moralisateur de l'ensemble.

J'ai surtout été vraiment intéressée par la lectures des différentes critiques à posteriori, avec  rebondissements juridiques et coups de gueule, ce qui m'a donné envie de retenter dans un futur proche une expérience de vivre la littérature dans son actualité, au lieu de ne lire que des romans trouvés au hasard dans les vide-greniers ou à la bibliothèque. Je découvre aussi les bienfaits de l'écriture de critique qui pousse à creuser l'univers des œuvres, ce qui m’enthousiasme, alors que je n'écris que ma seconde critique, pour l'avenir de ce petit blog, en tout cas au niveau de ce qu'il pourra m'apporter!



samedi 13 août 2016

Ce que oiseaux cramés n’est pas

Suite de l'intro



Afin d'éviter tout malentendu, et d'éviter des déceptions de la part de fans des styles cités ci-dessous, je préfère préciser en quoi ce blog n'est PAS spécialisé. En effet la culture sombre peut être associée à différents genres spécifiques :  On pourra trouver sur le blog des éléments leurs appartenant, sous certaines conditions que je déciderai arbitrairement, mais ce n’est pas le critère principal de sélection.

  • Un blog sur les polars

Lorsqu'on tape « blog culture sombre » sur un moteur de recherche, ce sont les premiers qui apparaissent. Il y a sûrement dans les polars beaucoup de noirceur, mais je dois avouer que ce style n'est pas ma prédilection. De plus, pour vraiment cramer les oiseaux, un ou plusieurs meurtres ne sont pas suffisants : le meurtre est de nos jours un élément presque banal, et je ne crois pas que les spectateurs soient encore spécialement secoués face à une histoire de tueur. Néanmoins, il est sûr que certains polars pourront avoir leur place ici si l'histoire est mise en valeur avec talent, et si le questionnement qu'elle amène me parait aller plus loin qu'une simple résolution d’enquête.

  •  Un blog gothique

Oui, je vous l'avoue, j'ai été proche du mouvement gothique dans ma lointaine adolescence. Mais point de Lestat le vampire ou de Penny Dreadful ici, ces personnages sont trop beaux, trop propres, trop grandiloquents. Je n'ai rien contre le baroque mais il n'est pas un critère suffisant pour avoir sa place ici. 

  •  Un blog sur le cinéma d'horreur, le fantastique, les séries B ou le gore

De nombreux sites internet et blogs existent sur ces sujet, peut-être y trouverai-je d'ailleurs des inspirations futures...

  •  Un blog qui pointe les périodes ou événements noirs de l'histoire des hommes

Il est évident que beaucoup de non-fictions crament pas mal les oiseaux : histoires de serial killers, documentaires sur des guerres ou des tueries, massacres, tortures, esclavage, misère économique et sociale, racisme machisme et homophobie, la réalité est souvent pire que la fiction. Mais je choisis de ne traiter que la création artistique, pour découvrir ou redécouvrir des auteurs qui veulent partager leur vision personnelle. C'est aussi finalement la portée poétique ou philosophique des œuvres qui m’intéresse, au-delà du seul choc des faits (bien que, bien sûr, dans beaucoup de documentaires par exeñmple, le talent et la « vision » des auteurs jouent beaucoup !).  



(Un peintre de rue croisé à Paris)