samedi 24 septembre 2016

Mon coeur à l´étroit

  • Roman, de  Marie NDiaye, 2008, Français




  • Pourquoi ça crame les oiseaux?

Histoire surréaliste d’un couple bien sous tous rapports qui devient un jour la risée de l’univers entier, sans savoir pourquoi. La femme et le mari devront alors subir toutes sortes de violences physiques ou psychologiques, mais peut-être l’ont-ils bien mérité ?

  • L´histoire


Nadia et son mari Ange sont instituteurs depuis plusieurs années dans une école de Bordeaux. Ils adorent particulièrement leur métier et se targuent d’avoir un grand sens du devoir et du sacrifice au nom de cette destinée qui est la leur. Cependant, un jour, leur entourage se met à les éviter, puis à les mépriser, des passants dans la rue aux élèves qu’ils aimaient tant. La ville entière parait liguée contre eux, et personne ne les respecte assez pour même leur expliquer pourquoi on ne veut plus avoir affaire aux « gens comme eux ».

Quand Ange est agressé et grièvement blessé, leur voisin est la seule personne prête à leur venir en aide. Mais qui est donc ce Noget, se demande Nadia, qui malgré qu’ils l’aient toujours considéré comme un petit retraité méprisable parait près à tout pour être leur ami et gérer leur maison ? Quelle aide peut-elle demander, elle qui a toujours privilégié son travail à ses proches, fils ou ex-mari ?
Alors que la ville devient un labyrinthe brumeux peuplé d’êtres hostiles, que le corps de Nadia se transforme étrangement, devenant de plus en plus gros, son passé et sa vision du monde lui sont jetés au visage, sans qu’elle ne comprenne réellement ce qui lui est reproché. L’école l’ayant congédiée sans raison et la plaie d’Ange dégoulinant de plus en plus de pus, Nadia doit fuir. Mais y’a-t-il un chemin de rédemption pour les gens comme elle ? Quelles forces diaboliques la pourchassent ?



  • Ce n'est que mon avis


La force de ce roman vient du mélange entre deux thèmes qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre mais ici cohabitent d’une manière incroyablement et délicieusement naturelle : d’une part des évènements dramatiques et étranges tirant vers le fantastique, une ambiance de rêve ou plutôt de cauchemar, très visuelle, qui berce le lecteur et le met mal à l’aise. Et d’autre part une description et jusqu’à une analyse poussée de la psychologie de Nadia, le personnage principal, faite par elle-même puisque c’est un roman à la première personne. Comme le lecteur soupçonne que le comportement de Nadia est la cause de ses malheurs (et tente en permanence de comprendre par quel phénomène), la découverte petit à petit des rouages de sa manière de penser et d’agir se fond avec les bizarreries oppressantes qui sont devenues son quotidien.

La description psychologique du personnage est fine et riche, amenant souvent le lecteur à se remettre en question en se cherchant des points communs avec cet être que la bassesse et l’égoïsme, ou serait-ce autre chose, ont amené à la déchéance sociale et à la plus grande honte. On oscille donc entre pitié et dégout pour le personnage, tout en se laissant fiévreusement emporter par ce récit lynchéen, plein de questions sans réponses et d’apparitions inquiétantes.

Ce roman est un des livres qui m’a donné envie de commencer ce blog. Il m’a été preté il y a plusieurs années par mon petit frère qui m’a dit avec un sourire en coin « je pense que ça va te plaire ». Il a eut raison, car il y a beaucoup d’éléments qui font qu’il me plait beaucoup : une ambiance onirique, magique, une violence parfois crue, la présence d’un quotidien réaliste parfois sale ou fade, un travail abouti dans la construction complexe de la logique du personnage principal. On est souvent surpris par le talent de l’auteure pour jouer avec ces éléments. Je vous conseille vivement la lecture de « un cœur à l’étroit », même si elle n’est pas toujours facile, ça a été un vrai coup de cœur pour moi et je ne cesse de le conseiller à qui veut m’entendre !


dimanche 11 septembre 2016

The Strangers

  • Film, de  Na Hong-jin, 2016, Coréen




      • Pourquoi ça crame les oiseaux?

      Film thriller/horreur qui mélange habilement personnages loufoques et horreurs mystérieuses.

      • L´histoire

      Dans un village de Corée du sud, ou la pluie est torrentielle et les policiers paresseux, survient une série de meurtres horribles et étranges. Les victimes sont frappées d’une maladie de peau inconnue, certaines sont plongées dans un état d´hébétude et de délire. Sur la montagne près du village vit un étrange ermite, un vieux japonais avec des mœurs bizarres qui inquiète la population. Le mystère s´épaissit, quand la fille du policier chargé de l’enquête se met elle aussi à avoir des crises incompréhensibles. Il décide de faire appel à un chaman pour dissiper les forces obscures qui entrent en jeu. 

      • Ce n'est que mon avis

      The strangers, avec ses meurtres inexpliqués et ses apparitions fantomatiques, reprend beaucoup de codes du cinéma d’horreur. Cependant, il est particulièrement marquant et vraiment original.

      D’abord par sa structure : il est long (2h30), et l’histoire n’est pas linéaire. On a donc le temps de se laisser imprégner par elle, par l’ambiance, et de ressentir le mélange de réalisme et d’étrangeté grâces à l’alternance de banales scènes de la vie quotidienne avec les moments clés du film et les scènes où la tension monte. Elle monte d’ailleurs progressivement : elle prend des chemins étonnants, notamment avec cette incroyable scène d’exorcisme où le chaman combat le mal dans une longue et délirante transe, pour arriver là où on ne l’attend pas. Alors que le film commence plutôt comme un polar, le surnaturel semble s’immiscer peu à peu.

      L’originalité vient aussi du contexte et des personnages : le policier chargé de l’enquête, qui sera frappé à son tour par le malheur, est plutôt débonnaire et lâche. Ses blagues, ses attitudes, mêlées à ces exagérations qu’on trouve dans les expressions faciales et manières de parler coréennes, en font un élément comique qui va se mélanger complétement au drame. De plus, les habitudes, les croyances et la culture du village coréen sont très présents dans le film, ce qui donne un mélange tradition et de modernité inattendue, loin des standards du cinéma d’horreur américain.



      La transmission de l’ambiance passe aussi par les images et les paysages : la nature autour de la montagne est très belle, et les pluies diluviennes ou les décors de forêts donnent à l’ensemble un coté naturel et sauvage.

      C’est donc un excellent film, le meilleurs qu’on ait vu depuis quelques temps au cinéma, noir, drôle, beau, parfois hypnotique ou grotesque, et d’une grande sensibilité. C’est vraiment enthousiasmant de voir un film si riche, dont tous les éléments sont intéressants et travaillés mais en gardant une belle liberté de ton. Depuis mon copain et moi avons décidé de nous plonger plus avant dans le cinéma coréen, vous en entendrez sûrement parler !