- Roman, de William Styron, 1979, Américain
- Pourquoi ça crame les oiseaux?
L’innocent narrateur à peine adulte a une
grande histoire d’amitié avec un jeune couple écorché par la vie : une
survivante catholique de camp de concentration, et un intellectuel jovial mais
passant par des crises de colère furieuse.
- L’histoire
Dans les années 40,
le jeune Stingo part du sud des Etats-Unis où il a grandi pour emménager à
New-York et tenter d’y écrire son premier roman. Dans l’hôtel où il loge, il
est témoin de la dispute violente d’un couple, Sophie et Nathan. Malgré ses
doutes sur la sanité de leur relation, ils deviennent par la suite trois amis
qui se font confiance et vivent de grands moments lyriques et joyeux.
Cependant les
disputes continuent de plus belle, pendant que Stingo, en pleine confusion des sentiments,
cherche à avoir ses premières expériences avec des filles, s’éprend de Sophie,
et découvre peu à peu son passé en Pologne avec sa famille puis dans un camp de
concentration.
- Ce n'est que mon avis
Je n’ai jamais été
très attirée par les lectures autour de l‘holocauste. Ayant étudié comme
beaucoup ses horreurs et ses rouages en histoire et en sociologie, et même si
bien sûr ce drame du XXème siècle ne peut cesser de poser question, j’avais
peur des récits fatalistes et déshumanisés.
Ce n’est pas le cas
dans Le choix de Sophie : l’expérience est racontée avec réalisme mais en
intégrant parfaitement la personnalité du personnage dans le récit. Alors que
le tout est à l’évidence abondamment documenté, Auschwitz reste l’environnement
de l’histoire personnelle de Sophie, et non le thème du livre. Dans cet univers
infernal on rencontre des êtres humains divers, le commandant nazi Rudolf Höss
(personnage historique) qui fait son devoir avec foi et abnégation, et que
Sophie essaiera de charmer pour sauver son enfant, la fille de ce dernier qui
mélange avec candeur racisme primaire et comportement imprévisible d’enfant,
des résistants, une matonne lesbienne…
En dehors de ce
sujet, en fait ce qui m’a le plus marquée c’est le caractère du personnage de
Nathan. Jeune intellectuel juif, il n’a jamais connu les camps mais est obsédé
par eux, comme par les violences perpétrées contre les noirs aux Etats-Unis.
(Il insulte avec régularité Stingo sur ses origines, l’incluant dans le grand
sac des esclavagistes frustrés du sud). Ces obsessions, entre autres visions
noires de l’humanité, ont tant infusé son esprit qu’il ne cache pas son mépris
de l’existence, dont le mal fait partie intégrante. Amoureux passionné, ami
extravagant, amuseur mondain cultivé, il devient par moment jaloux et furieux, et
déploie des trésors de cruauté psychologique sur ceux qui l’entourent, et sur
Sophie en particulier.
L’amour de cette
dernière est tout aussi fascinant : dépendance affective totale et
pourtant lucide, qui amènera les amants dans de tristes déboires. La candeur du
narrateur à l’époque des faits mais aussi sa fine analyse (c’est le Stingo vieilli
qui raconte cette histoire de sa jeunesse à la première personne) nous permet d’appréhender
peu à peu cette folie humaine dans toute son ampleur. J’ai appris après ma
lecture d’ailleurs que le sujet des maladies psychiques est un thème important
pour William Styron, qui a écrit par la suite un récit autobiographique sur la
dépression. Cette jeunesse du narrateur apporte aussi la touche de légèreté qui
rend le roman moins sombre et mêle l’espoir voire la drôlerie à ces aventures
sordides, entre rencontres alcoolisées et tentatives de couchage avec des
vierges effarouchées fans de psychanalyse suspecte.
Dès le début de la
lecture j’ai été impressionnée par la qualité d’écriture de l’auteur (et de son
traducteur). Même si les premiers chapitres sont un peu longs et ne nous font
pas tout de suite entrer dans l’histoire, on se laisse porter facilement par
les belles phrases ciselées et imagées, qui coulent comme une musique douce et
complexe. Cette lecture apporte un grand plaisir, même si tout de même à la fin
des 900 pages j’ai personnellement commencé à ressentir une lassitude qui a un
peu perturbé le plaisir de la fin du roman, pourtant marquante et riche en
tours et détours. Mais ces quelques longueurs, donc, sont peu cher payer pour accéder
à cette œuvre classique puissante, qui aborde des thèmes universels, nous
présente des personnalités incroyablement riches et complexes, tout en
maintenant le lecteur en haleine.
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