mardi 28 mars 2017

Le choix de Sophie

  • Roman, de William Styron, 1979, Américain




  • Pourquoi ça crame les oiseaux?

L’innocent narrateur à peine adulte a une grande histoire d’amitié avec un jeune couple écorché par la vie : une survivante catholique de camp de concentration, et un intellectuel jovial mais passant par des crises de colère furieuse.

  • L’histoire

Dans les années 40, le jeune Stingo part du sud des Etats-Unis où il a grandi pour emménager à New-York et tenter d’y écrire son premier roman. Dans l’hôtel où il loge, il est témoin de la dispute violente d’un couple, Sophie et Nathan. Malgré ses doutes sur la sanité de leur relation, ils deviennent par la suite trois amis qui se font confiance et vivent de grands moments lyriques et joyeux.

Cependant les disputes continuent de plus belle, pendant que Stingo, en pleine confusion des sentiments, cherche à avoir ses premières expériences avec des filles, s’éprend de Sophie, et découvre peu à peu son passé en Pologne avec sa famille puis dans un camp de concentration.




  • Ce n'est que mon avis

Je n’ai jamais été très attirée par les lectures autour de l‘holocauste. Ayant étudié comme beaucoup ses horreurs et ses rouages en histoire et en sociologie, et même si bien sûr ce drame du XXème siècle ne peut cesser de poser question, j’avais peur des récits fatalistes et déshumanisés.

Ce n’est pas le cas dans Le choix de Sophie : l’expérience est racontée avec réalisme mais en intégrant parfaitement la personnalité du personnage dans le récit. Alors que le tout est à l’évidence abondamment documenté, Auschwitz reste l’environnement de l’histoire personnelle de Sophie, et non le thème du livre. Dans cet univers infernal on rencontre des êtres humains divers, le commandant nazi Rudolf Höss (personnage historique) qui fait son devoir avec foi et abnégation, et que Sophie essaiera de charmer pour sauver son enfant, la fille de ce dernier qui mélange avec candeur racisme primaire et comportement imprévisible d’enfant, des résistants, une matonne lesbienne…

En dehors de ce sujet, en fait ce qui m’a le plus marquée c’est le caractère du personnage de Nathan. Jeune intellectuel juif, il n’a jamais connu les camps mais est obsédé par eux, comme par les violences perpétrées contre les noirs aux Etats-Unis. (Il insulte avec régularité Stingo sur ses origines, l’incluant dans le grand sac des esclavagistes frustrés du sud). Ces obsessions, entre autres visions noires de l’humanité, ont tant infusé son esprit qu’il ne cache pas son mépris de l’existence, dont le mal fait partie intégrante. Amoureux passionné, ami extravagant, amuseur mondain cultivé, il devient par moment jaloux et furieux, et déploie des trésors de cruauté psychologique sur ceux qui l’entourent, et sur Sophie en particulier.

L’amour de cette dernière est tout aussi fascinant : dépendance affective totale et pourtant lucide, qui amènera les amants dans de tristes déboires. La candeur du narrateur à l’époque des faits mais aussi sa fine analyse (c’est le Stingo vieilli qui raconte cette histoire de sa jeunesse à la première personne) nous permet d’appréhender peu à peu cette folie humaine dans toute son ampleur. J’ai appris après ma lecture d’ailleurs que le sujet des maladies psychiques est un thème important pour William Styron, qui a écrit par la suite un récit autobiographique sur la dépression. Cette jeunesse du narrateur apporte aussi la touche de légèreté qui rend le roman moins sombre et mêle l’espoir voire la drôlerie à ces aventures sordides, entre rencontres alcoolisées et tentatives de couchage avec des vierges effarouchées fans de psychanalyse suspecte.

Dès le début de la lecture j’ai été impressionnée par la qualité d’écriture de l’auteur (et de son traducteur). Même si les premiers chapitres sont un peu longs et ne nous font pas tout de suite entrer dans l’histoire, on se laisse porter facilement par les belles phrases ciselées et imagées, qui coulent comme une musique douce et complexe. Cette lecture apporte un grand plaisir, même si tout de même à la fin des 900 pages j’ai personnellement commencé à ressentir une lassitude qui a un peu perturbé le plaisir de la fin du roman, pourtant marquante et riche en tours et détours. Mais ces quelques longueurs, donc, sont peu cher payer pour accéder à cette œuvre classique puissante, qui aborde des thèmes universels, nous présente des personnalités incroyablement riches et complexes, tout en maintenant le lecteur en haleine.  

  

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